Nous sommes en fin décembre, Alpes maritimes, haut perché sur la montagne qui domine la vastitude de la mer juste à nos pieds. Il fait frisquet, le tramontane se répand depuis l’infini d’en bas. Une légère brume, humide et froide remontent des eaux noires et veloutées. Dans le conte de papa rocher le paysage à la limite d’un rêve, nos pas maladroits de bipèdes sont heureusement guidés par les lumières bleutées des étoiles et de la presque pleine lune. Celle-ci, est si immense qu’elle semble comme suspendue par un fil, sorte de lampadaire céleste de circonstance.
Un ami m’a emmené jusqu’ici pour aller méditer au pied d’un rocher. Un lieu précis donc, pas de hasard dans le choix. Nous avons tout le matériel pour résister au froid d’une posture d’assise prolongée de nuit d’hiver.
Après s’être frayé un chemin à travers les buissons du maquis provençal, la silhouette sombre du rocher se découpe de l’écran du ciel étoilée. Nous y sommes. Il est inutile de parler, je remercie intérieurement le choix de mon ami. Il y a des lieux comme cela qui impose de suite un état de réceptivité d’esprit. Ce rocher, énorme , solitaire, formidable granit sorti de nul part est accueillant. J’ai le besoin de réflexe anthropomorphe et lui donne de suite le nom un peu idiot Le conte de Papa rocher. Je suis là, niais, naïf, maladroit, trop d’espace, trop d’air trop de vastitude et là ce papa rocher qui me réconforte , nous accueille.
C’est ici que nous allons méditer, c’est à dire s’abandonner aux flux des sensations, en les observant. Noter pour soi la permanence de toutes nos impermanences. Se nourrir sans un mot de ce vaste espace extérieur et le laisser nous envahir intérieurement. Papa Rocher, avec ses solides ailes figées, nous protège du vent. Sans être croyant, j’ai presque envie de dire que papa rocher a une âme. Cette âme est bienveillante, protectrice. S’en dégage une force énorme que je dois qualifier de tellurique. Afin de garder un tant soi peu la pseudo dignité de mes petites références matérialistes. Nous sommes accrochés sur un bout de cosmos. Catapultés dans l’espace infinie des choses soi disant inertes et sans vie. Ce qui nous retient d’un vol plané intérieur est cette force « tellurique » de papa Rocher. Suspendus et aimantés, voilà ce que nous sommes.
De cette nuit le conte de Papa rocher, malgré mes réticences de citadin, je retiens d’avoir été accueilli comme un enfant sous la protection paternel d’un rocher. Et grâce à ce père de granit, me dissoudre quelques heures dans ce mystère qu’est le réel. Granit, terre, ciel, étoiles, lune, eau, vent, buissons, toutes ces choses qui sont des choses parce que notre esprit les pensent tels quels. Nous nous refusons à elles parce que leur langage nous est devenu inconnu. Alors qu’il suffit de se laisser dissoudre sous la protection d’un rocher qui fait de son mieux pour nous épargner la peur étrange de nous perdre dans l’unité des choses, la mélodie de la conscience universelle.
Merci Denis.